III. Un conflit qui s’éternise.

Des soldats qui contestent

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Ce document est une caricature extraite du journal socialiste Germinal. Elle a été réalisée le 25 juin 1924 par Jub. Elle représente Lucien Bersot, les yeux bandés, attaché au poteau d’exécution, affaissé, exécuté pour avoir refusé de porter un pantalon couvert de sang d’un de ses camarades mort.

Le journal s'est engagé en 1921 sous la plume de René Rücklin dans une campagne de presse pour réhabiliter l'honneur de ce soldat fusillé pour l'exemple en 1915.

Source : Archives départementales du Territoire de Belfort

Lucien BERSOT est né en 1881 à Authoison en Haute-Saône. Il est maréchal ferrant à Besançon. A la déclaration de guerre il est mobilisé et incorporé au 60ème régiment d’infanterie. En janvier 1915, il combat près de Soissons dans l’Aisne.

En février, Lucien demande à son sergent un nouveau pantalon, le sien étant hors d’usage et ne le protégeant plus du froid. Le sergent lui propose alors un pantalon déchiré, couvert de sang et de boue qui venait d’être enlevé à un mort. Il refuse il est alors sanctionné par 8 jours de prison. Le colonel Auroux décide de le faire traduire en conseil de guerre spécial pour « refus d’obéissance en présence de l’ennemi ». Trouvant cela injuste, 7 de ses camarades dont le soldat Elie Cottet-Dumoulin interviennent pour faire changer le motif de la punition.

Perçue comme une mutinerie par le colonel Auroux, celui-ci soucieux de rétablir une discipline de fer dans son régiment demande une sévérité exemplaire et inflige à Lucien Bersot une condamnation à mort. Quand à son soutient Elie Cottet-Dumoulin il se retrouve condamné pour l’exemple à 10 ans de travaux forcés.

Le soldat Bersot a été exécuté le 13 février 1915 à Fontenoy dans l’Aisne, pour une simple affaire de pantalon sale, laissant sa femme Marie Louise veuve et sans ressources et une petite orpheline chargée du poids de la honte.

Après guerre, les témoins du drame ne sont pas restés silencieux, ils ont ressenti de l'émotion, de l'incompréhension et de la colère.. La nouvelle s'est répandue très rapidement. En 1921, René Rücklin, avocat et conseiller général de Belfort, entame à son tour une opération de sensibilisation dans le journal Germinal soutenu par la ligue des droits de l’homme. Elle permet la réhabilitation de Lucien Bersot dès le 12 juillet 1922. Sa veuve peut alors recevoir la pension de veuve de guerre et sa fille est désormais reconnue comme pupille de la nation. Le corps du soldat est également ré-inhumé en 1924 dans le cimetière de Besançon. Le colonel Auroux, le responsable de l'exécution, se trouve lui seulement freiné dans sa carrière et privé du grade de général.

Aujourd’hui, le souvenir du sacrifice de Lucien Bersot est honoré. Une stèle située à proximité de l’église de Fontenoy (Aisne), inaugurée en novembre 1994 lui rend hommage. A Besançon, une plaque située à l’entrée de la maison du peuple, 11 rue battant a été aussi installée le 11 novembre 2009, enfin dans son village natal une plaque à sa mémoire a été rajoutée sur le monument aux morts le 19 avril 2014.

Le triste sort de ce soldat est donc désormais connu grâce aussi au film d'Yves Boisset diffusé en 1998 qui s'intitule «  Le Pantalon ». L’absurdité de sa mort symbolise la brutalité de cette guerre totale qu’a été 14-18.

Ophélie Gaetter et Eléna Choffat